Liberté Actus : Comment est né cet album ? Où a-t-il été enregistré ? Quand ? Avec qui ?
Cette idée de faire un album, uniquement en anglais, me trottait dans la tête depuis déjà de nombreuses années. Il a été enregistré entre 2022 et 2024 au Studio Z (at home donc !), et je me suis occupé de tous les instruments ainsi que des mixages.
À quels artistes, quels groupes ou chanteurs avez-vous pensé en l’écrivant ? Quels sont vos goûts musicaux ? Vos références ?
S’il fallait donner quelques références, je citerais : Kevin Ayers et Lou Reed pour certaines balades (« Dad, he could... » ou « Only tonight »), Peter Hammill ou Bowie pour les plus sophistiquées (« The Phone song », « Little Loupiotte », « The Lost Love »), Robert Wyatt (pour « Is that exact ersatz ? » et sa suite…), et d’autres encore font plus référence à Cure ou Siouxsie and The Banshees... Mon univers est un mixage de tout ça, mais en même temps, (et j’espère pouvoir y parvenir un peu ?), j’essaie de faire quelque chose de vraiment plus personnel !
Si on vous dit que ça sonne David Bowie, est-ce que vous êtes d’accord ou pas ? Est-ce pour vous un compliment ?
Un compliment, of course ! Et ce n’est pas mon manager Phil Stay (qui gère également le fan club officiel de Bowie France...), qui me contredira ! Hormis quelques albums des années 80, j’adore en majorité l’œuvre de Bowie ! Mais n’oublions pas que David Bowie doit aussi beaucoup à Peter Hammill, alors que celui-ci est hélas beaucoup moins connu…et c’est un peu dans cet esprit que j’ai fait une adaptation de « House with no door », excellent titre de Van der Graaf Generator, dont Peter Hammill est le leader. J’en ai fait un clip que j’ai soumis à Peter Hammill lui-même, qui m’a fait l’honneur de l’apprécier, en acceptant que je le mette sur un futur album. Et ça pour moi, c’est encore plus un compliment !
La scie musicale est un instrument singulier. Un instrument peu, voire pas du tout utilisé dans le rock et la pop-music. Que représente-t-elle pour vous ? Qu’apporte-t-elle à votre musique ?
Hormis le groupe de Krautrock allemand Can (et peut-être Jamie Muir, ex- percussionniste de King Crimson), qui avaient fait tous deux une petite intrusion de passe-partout, il est vrai que je dois être pionnier en la matière ! La scie musicale (ou plutôt l’âme sonore) a une sonorité envoûtante et tel Ulysse pour les « scie-reines », je n’ai pas résisté à leur chant lors de mes pérégrinations en Europe (découvert à Strasbourg, lors de mon tour de France à l’âge de 20 ans…). Mais j’avais déjà été fort séduit dans certaines chansons de Brel (« La Fanette », etc.), et me suis alors dit : pourquoi ne pas l’intégrer davantage dans le rock ou la pop ?
« Contre le capitalisme ultralibéral. »
À ce propos, comment définiriez-vous votre musique ? Pop ? Chanson ? Rock ? Autre ?
Rock Scie Music, donc, mais pour être plus précis, j’ai toujours essayé de faire la jonction entre un certain type de rock progressif et la cold wave/post punk. Une pointe d’expérimental, avec des loops jungle ou drum & bass (ou des sons samplés) et toujours une certaine recherche harmonique, tout en restant très mélodique et accessible, bref le côté plus pop. Ceux qui, je trouve, ont vraiment bien réussi cette alchimie, c’est Radiohead ou encore Peter Gabriel, également deux de mes références incontournables, d’ailleurs…
Pour les auditeurs non anglophones, que racontent vos textes ?
En majorité pour cet album, de sombres histoires d’amour… mais aussi quelques textes plus « révoltés » comme « Ladies & Gentlemen », qui parle de quelqu’un qui désespère que le « grand soir » arrive enfin !... ou encore « The Hourglass » qui parle du peu de temps qu’il nous reste en tant qu’espèce… Avec le côté plus « rock » de la scène, beaucoup d’autres titres sont encore plus « rentre-dedans ». « The Earthworms » ou « Uncertain Time » dénoncent l’avidité des hommes et le système capitaliste ultralibéral qui exploite la nature en détruisant la biodiversité… Mais ces titres restent pour l’instant inédits et sont uniquement joués en public. Attention, quand j’aborde une « protest song », je privilégie toujours les métaphores et l’aspect poétique, rarement le premier degré. Le travail de la langue est important, surtout en anglais, où, par exemple, je prends un malin plaisir à détourner des expressions françaises en les traduisant littéralement, pour obtenir des sortes de « Cadavres exquis » assez étonnants !
Vous écrivez aussi des chansons en français. Pourquoi des chansons exclusivement en anglais pour le présent album ?
L’anglais permet de privilégier les mélodies (surtout pour les oreilles non anglophones). On se concentre plus sur le côté musical, et le texte, même s’il est intéressant, vient ensuite, dans un deuxième temps. Cela permet aussi de faire passer des sentiments ou des émotions, que personnellement, je ne pourrais peut-être pas exprimer en français. White Gloves for Dark Loves* est un concept-album sur le thème de l’Amour (avec un grand A), mais aussi au sens large (ruptures, chagrins, perte d’un être cher ou d’un animal, ce qui est idem pour moi). Peut-être qu’inconsciemment, une certaine pudeur m’a conduit à opter pour le choix de l’anglais. Mais il y a forcément aussi l’espoir d’une dimension plus « internationale » avec cette langue…
Vos chansons regorgent de mélodies fortes, voire très fortes. Pour vous, une bonne chanson, serait-ce d’abord la mélodie ? D’abord, merci du compliment ! Oui effectivement, j’ai du mal à concevoir des titres sans mélodie forte. La ligne mélodique qui se démarque, mais en même temps qui se retient facilement, est une constance dans mes titres, qu’ils soient en anglais ou en français d’ailleurs. Même si j’ai pu, par le passé, aussi expérimenter d’autres univers sonores plus « bruitistes » (recherche sur les quatre éléments chez les civilisations amérindiennes Lakota/Sioux, ou encore Mayas, Aztèques, etc.), où là c’est plutôt la richesse des instruments et les textures qui en font le charme…
« Une véritable révolution »
Vos textes révèlent que les animaux ont une importance primordiale pour vous ; qu’en est-il ?
Effectivement ! Dans certains titres de cet album, j’aborde plutôt l’aspect affectif et personnel des animaux qui ne m’ont pas survécu. Mais, de façon plus générale, il y a une véritable révolution à faire concernant le bien-être animal ! On commence seulement à prendre conscience de certaines aberrations, et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg ! La maltraitance animale est inhérente à la production industrielle du système capitaliste. Je pense qu’on ne pourra sortir vraiment de cet engrenage sans opérer une véritable révolution à tout point de vue…et en commençant par soi-même. Personnellement, TOUS les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis. Les aliments végans ou végétariens ont fait énormément de progrès gustativement parlant, donc le goût ne peut plus être pris en excuse à notre époque (ni le budget d’ailleurs) ; c’est plutôt une question de prise de conscience et d’habitude alimentaire à modifier. Et je ne préfère pas aborder les expériences en laboratoire qu’on continue à faire subir aux animaux, c’est hallucinant ! Je recommande d’ailleurs un classique, La libération animale*, de Peter Singer qui vient de ressortir en poche, pour ceux qui veulent être éclairés à ce sujet.
Vous enseignez les arts plastiques ; est-ce que cette activité influence vos créations musicales ?
Absolument et aussi inversement. Je parlais un peu plus haut, de ma recherche « bruitiste » sur « les quatre éléments », c’est aussi un sujet que je propose à mes 6ᵉ en leur faisant écouter ces titres instrumentaux, où se mélangent chants indiens, bruits de la nature et instruments de toute sorte (pots de fleurs frottés, bidons, batterie de cuisine, mais aussi mes instruments préférés : scie et guitare-cello). Ce dernier que j’ai fabriqué à partir d’une guitare électrique (Kort), customisée, retravaillée dans tous les sens, pour permettre de jouer à l’archet, un peu à la manière de Jimmy Page, mais montée sur pied, ce qui est beaucoup plus agréable à jouer ! Idem pour la scie que j’ai installée sur mon ancien chevalet de peintre, et électrifiée pour passer des effets. J’ai été l’un des premiers (Ze first maybe ?) à jouer de la scie de cette façon. Les membres de l’association nationale des joueurs de scies (l’ANDIALS), étaient très dubitatifs au début ! Puis ils ont fini par m’accepter en me décernant même un brevet pour enseigner l’instrument !
Scieur Z est-il un groupe ou est-ce votre nom d’artiste ? Si c’est un groupe, quand s’est-il formé ? De qui est-il composé ? Où tourne-t-il ?
À la base, c’est mon nom d’artiste. Mais au fil de ma « scie-nueuse » carrière, ce fut aussi un groupe, dans des formules à géométrie variable (duo, trio, à cinq, six ou même sept). En ce moment, c’est une formule trio, avec Geoffrey à la basse et aux chœurs, Matt à la guitare et aux chœurs, et moi-même pour le reste (chant, guitare, guitare-cello, scie musicale, ukulélé, percussions diverses). Mais nous n’excluons pas l’idée de jouer avec deux musiciens en plus : claviériste et batteur. Avis aux amateurs !
Concerts à Paris, Lille et en Bretagne…
Pouvez-vous nous parler des autres disques que vous avez déjà sortis ?
J’ai commencé en 1987 par un 45 tours édité sur le label Milk Shake Record. C’était déjà une première version du premier titre de mon nouvel album. J’en ai refait quasi un nouveau morceau, que j’ai donc choisi de rebaptiser en jouant avec le titre. Ce n’est que 10 ans plus tard qu’un premier album 12 titres est sorti, Dompteur de l’Âme*, qui était beaucoup plus chanson, et uniquement en français. Puis, j’ai perdu beaucoup de temps à chercher labels et maisons de disques, en passant tout de même par une petite incursion chez Island (Universal Rec.), avec quelques maquettes et collaborations (notamment avec Amadou & Mariam pour leur disque d’Or en 2005). En 2012, je me suis enfin décidé à sortir deux albums en même temps ! Scie-Né Music* (uniquement instrumental), et Train de vie* (plus un livre Incarné de voyage/Train de vie*, qui est en fait son pendant littéraire). Un quatrième album est né sur le thème des nouvelles technologies. Pamphlet et brûlot survolté contre notre société de consommation hyper technologique ; il était intitulé Virtuellement Vautre*. Et dans une veine franchement electro-rock, ce fut un concept album assez précurseur (écrit dès 1995), vu ce qu’on voit arriver à présent avec l’IA et l’invasion des robots !... Quelques dates (minitournée à Paris) en solo, dans une formule multimédia assez délirante, fournie en accessoires en tout genre, et projections vidéo. Puis ce cinquième album, White Gloves for Dark loves*, qui sortira en mars 2025, et qui sera joué sur scène en groupe.
La sortie de cet album sera-t-elle accompagnée d’une tournée ou de concerts (et quand et où ?) ? Et quels sont vos projets ?
Des dates vont arriver en région picarde pour le moment, mais nous espérons nous exporter ensuite : à Paris, Lille, et autres grandes villes…
Prochains concerts de Scieur Z : le 3 mai 2025 au Kraken à Saint-Quentin (02). Le 30 juillet 2025 au festival « Plein’ Air », à Béthancourt-en-Vaux (02).
Pour contacter Scieur Z : Phil Stay (manager), toffin.philippe@orange.fr, 07 86 36 37 70 ; A.D.S. Prod., 19, rue Mademoiselle, 02300 La Neuville-en-Beine, 03 23 39 81 73.