Connu depuis l’Antiquité, le choléra serait apparu dans les eaux du golfe du Bengale. Suivant les voies maritimes du commerce mondial, il atteint l’Europe au XVIIIe siècle.
En 1832, le choléra est responsable de 100 000 décès en France, dont 18 400 à Paris, où les médecins remarquent une mortalité plus élevée dans les quartiers pauvres que dans les milieux aisés. Un lien est établi entre misère et mort.
L’insalubrité des habitations et la surpopulation des quartiers populaires favorisent la propagation du vibrion cholérique, présent dans l’eau et les aliments contaminés par les matières fécales.
Le développement de l’assainissement et de l’approvisionnement en eau ainsi que l’éducation à l’hygiène permet d’enrayer la maladie. En l’absence de traitement, la mort survient en 1 à 3 jours dans 25 à 50 % des cas.
Il existe aujourd’hui des antibiotiques ainsi que des vaccins oraux. Une prise en charge rapide et adaptée devrait réduire le taux de létalité en dessous de 1 %.
En 2017, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dénombrait plus de 1,2 million de cas dans 34 pays. Le Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra lançait alors une feuille de route pour mettre fin au choléra à l’horizon 2030.
Mais en 2023, la directrice de l’OMS pour l’Afrique, Dre. Matshidiso Rebecca Moeti, s’inquiétait : « les conflits et les phénomènes climatiques extrêmes aggravent les facteurs de risque du choléra et augmentent son impact sur les vies ». En 2024, on enregistre une hausse significative des cas de choléra au Yémen où 8700 cas sont enregistrés en un mois. 17 millions de Yéménites sont en situation d’insécurité alimentaire quand les financements alloués à l’aide humanitaire sont drastiquement réduits.
Deux milliards de personnes dans le monde boivent aujourd’hui de l’eau provenant de sources contaminées. L’OMS évalue le nombre de cas annuels entre 1,3 à 4 millions. Le taux de létalité moyen actuel, de près de 3 %, est largement supérieur au seuil acceptable fixé à moins de 1 %. Ce 3 mai, on recense 2600 cas de choléra aux Comores, dont 60 morts. Mayotte, où la précarité sanitaire se conjugue avec un accès aux soins insuffisants, fait face aux premiers cas autochtones.
Philippe Sansonetti, médecin et chercheur en microbiologie à l’Institut Pasteur, rappelle que le vibrion cholérique établit son gîte « dans l’estuaire des grands fleuves et les océans ». Sa zone de confort dépend de la température de l’eau, mais également de son acidité et de sa concentration en sel. « Le choléra est une maladie de l’environnement ».
Le paradigme de la santé publique du XXe siècle pourrait être remis en tension au XXIe siècle par les maladies infectieuses. Les bouleversements climatiques, les sécheresses prolongées, les déplacements de populations dans des zones concentrées pourraient faire du choléra « une maladie d’avenir ».