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Financiarisation de la santé

La santé devient une bulle spéculative

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Santé Finance

En France, la santé est devenue une manne pour les investisseurs. Notre système de soins est investi par un capitalisme financiarisé qui prend le contrôle progressivement de la biologie, de la radiographie, de l’ophtalmologie et du secteur dentaire, où des professionnels cèdent les rênes de leurs activités à des fonds d’investissement.

Ces derniers s’immiscent dans l’offre de soins, car ce marché de la santé est rentable et sûr, en raison de la croissance continue de la demande et d’un financement garanti par l’État.

Des financiers hors-la-lois ?

L’ampleur du phénomène a surpris le Dr Jomier, l’un des auteurs du rapport du Sénat publié le 25 septembre. Il dénonce « l’inventivité des sociétés financières pour détourner la loi  », les « un, deux ou trois milliards issus des prélèvements obligatoires, qui sortent du système de santé, de façon opaque, pour rémunérer des sociétés financières, y compris à l’étranger ».

Quelques exemples permettent d’apprécier l’importance de ce « hold-up » :

  • Le marché de l’imagerie médicale enregistre 3 milliards d’euros de recettes annuelles avec des valorisations pouvant atteindre 13 à 15 fois l’excédent brut.
  • Dans l’hospitalisation privée, quatre groupes concentrent déjà plus de la moitié du marché financier.
  • Après la loi Bachelot de 2009 qui a supprimé l’obligation d’agrément préalable, les centres dentaires et ophtalmologiques se sont multipliés en raison de leurs plateaux techniques couteux qui se prêtent aux recours aux investissements. C’est dans ces centres qu’on découvre régulièrement des dérives marchandes qui se concentrent sur des actes rémunérateurs à la pertinence contestable (73 % des séances d’examen comprenant la facturation d’actes d’orthoptie, contre 11 % en cabinet ophtalmo de ville). Au point que ces pratiques frauduleuses ont amené la CNAM à supprimer récemment plusieurs agréments.

Ces « réussites » financières n’interrogent que ceux qui veulent ignorer que le système actuel ne s’intéresse à la santé que lorsque qu’elle génère des profits.

Créer des profits colossaux en produisant en masse des aliments ultra-transformés à partir de produits médiocres, tout en guettant la croissance exponentielle de l’obésité pour s’assurer de nouveaux profits dans le domaine du traitement, peut résumer la « Bible » actuelle du capital.

Il y a cependant la conscience que le monde ne tourne pas rond, alors on jette quelques aumônes au « bon » peuple. Comme la déclaration de Gilead qui rendrait le lénacapavir, son traitement contre le VIH, accessible à tous et partout, via une autorisation pour la fabrication de génériques pour les pays pauvres. (Ce médicament permet, grâce à une injection tous les six mois, d’être protégé de la contagion.)

Est-ce la déclaration de la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima, qui jugeait en juillet qu’une telle autorisation permettrait au laboratoire d’« entrer dans l’histoire » qui a permis ce projet ?

On peut avoir l’angélisme d’y croire, la proposition ne sera pas effective dès maintenant et elle oublie déjà de grandes parties du monde. Et avant de crier au miracle, attendons un peu pour analyser les à-côtés qui ne manqueront probablement pas.

Car, à l’exemple de ce qui vient de se passer avec HD4, le « leader » des télécabines, les « bons sentiments » n’existent que s’ils sont rentables.

Cela faisait quinze ans que des investisseurs privés soutenaient H4D qui était tout juste rentable et toujours à risque. Les investisseurs n’ont finalement pas suivi et les départements qui ont investi des fortunes dans ces appareils (100.000 euros, pièce) se retrouvent du jour au lendemain avec un matériel inutilisable.

Voici le piège dans lequel notre système de santé risque de tomber. Il suffit qu’un secteur voit sa rentabilité passer sous la barre exigée par les fonds d’investissement, pour que ceux-ci s’en retirent sans préalable.

La recherche sacrifiée sur l’autel de la finance

Que dire aussi de la recherche délibérément abandonnée au profit de la spéculation ?

Le temps où des scientifiques travaillaient dans les laboratoires de recherche des groupes pharmaceutiques est maintenant quasiment révolu. Plutôt que d’entretenir des chercheurs, on détecte parmi les travaux des startups, publiques ou privées, l’avancée qui permet d’envisager de fructueuses retombées.

Voici par exemple ce que l’on pouvait lire le 30 septembre 2024 dans la presse médicale

L’Agence américaine du médicament vient d’autoriser le Cobenfy (xanoméline et chloride de trospium) dans le traitement de la schizophrénie, premier antipsychotique à ne pas cibler les voies dopaminergiques.

Il faut dire que selon les estimations de l’étude Global Burden of Disease, la schizophrénie toucherait environ 0,7 à 1 % de la population mondiale, soit 600 000 personnes en France.

Or, Cobenfy (KarXT) a été développé par la biotech Karuna Therapeutics, rachetée cette année par le géant américain Bristol Myers Squibb (BMS) pour 14 milliards de dollars (12,7 milliards d’euros). BMS prévoit une mise sur le marché américain, dès octobre 2024, au prix de 20 000 dollars (17 800 euros) par an et par patient.

Va-t-on revivre pour autant des sagas comparables aux publications ventant les mérites du tabac qui ont permis aux cigarettiers de faire fructifier leurs profits en utilisant la vénalité de scientifiques ?

Il y a lieu cependant de s’interroger en lisant les révélations du BMJ, l’une des revues de médecine générale les plus lues dans le monde, à propos d’un traitement de l’Alzheimer. « Quand, il y a peu, la FDA autorise le donanemab, un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer, cela suscite l’enthousiasme dans ce domaine où rien ne semble guérir ou bloquer la maladie. Puis, on constate un nombre excessif de décès, des données de sécurité manquantes, une efficacité douteuse et des conflits d’intérêts financiers parmi les membres du comité consultatif « indépendant » qui a recommandé son approbation. »

D’après les déclarations du rédacteur en chef du Journal of Alzheimer’s Disease au BMJ, les nouveaux médicaments anti-amyloïdes ne démontrent qu’un ralentissement imperceptible de la démence au milieu d’effets indésirables graves, y compris la mort par gonflement et hémorragie cérébrale (et pour 32.000 dollars par an). D’autres experts vont même déclarer, que des médicaments tels que le donanemab pourraient aggraver la neurodégénérescence.

Il n’est donc pas étonnant de trouver sous la plume d’un journaliste que cette histoire est accablante. « On peut se rassurer en se disant qu’elle se passe aux États-Unis, mais cette histoire est aussi mondiale tant, depuis 50 ans, les stratégies de certains grands labos autour de cette maladie se développent partout dans le monde, loin de tout critère de santé publique »

Si le rapport des sénateurs est essentiellement descriptif — en sera-t-il de même avec le Conseil d’État qui s’est saisi de la notion de "contrôle effectif" qui doit être exercé par les médecins associés au sein de sociétés d’exercice libéral de médecins ?

Le conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône — ayant, lors de son examen de modifications statutaires, considéré que les stipulations des statuts d’une « SEL », (société d’exercice libéral) et du pacte conclu par ses associés entraînaient la perte du contrôle effectif de cette société par les médecins exerçant en son sein — a radié cette société du tableau de l’ordre.

Le Conseil d’État se prononcera, dans les prochains mois, sur le fond de cette affaire et, à cette occasion, il pourrait affiner son appréciation de la notion de contrôle effectif.

Est-ce que quelques grains de sable permettront d’enrayer la vague ?

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