En octobre 2024, le géant pharmaceutique français Sanofi cédait au fonds américain CD&R le contrôle de sa filiale Opella pour une valeur d’entreprise d’environ 16 milliards d’euros. Cette filiale santé grand public du laboratoire produit entre autres le Doliprane, médicament le plus consommé en France. Prescrit en première intention face aux symptômes du Covid-19, la hausse de sa consommation de 20 % en 2020 avait permis à Sanofi de verser 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires en pleine crise sanitaire et économique.
En 2023, ce sont 5,4 milliards d’euros de dividendes qui ont été distribués, soit 67 ans de dons au Téléthon.
Malgré sa bonne santé économique, le groupe poursuit une stratégie annoncée de cession de sa branche de médicaments sans ordonnance. Ce sont aujourd’hui de l’Aspegic et du Kardegic dont le groupe se sépare, en parfaite contradiction avec les annonces d’Emmanuel Macron pour renforcer la « souveraineté sanitaire » du pays et relocaliser en France la « production de nos médicaments essentiels ». Car la France, de plus en plus dépendante de l’importation de médicaments innovants et coûteux, subit régulièrement des tensions d’approvisionnement.
Les salariés de l’usine d’Amilly produisant l’Aspegic sont en grève depuis le 5 mars, après l’annonce de la vente du site au groupe luxembourgeois Substipharm.
Fermeture de 8 400 postes et de 25 sites de recherche en France en 17 ans
Fleuron de l’industrie pharmaceutique française, Sanofi est également un symbole du capitalisme galopant privilégiant une stratégie d’économies maximales pour optimiser ses marges financières. Dans cet objectif, la recherche a été progressivement déléguée à l’externe. En liquidant sa branche recherche et développement en chimie et en biotechnologies, le laboratoire a sacrifié des domaines clés de l’innovation pharmaceutique dans le domaine des maladies cardiaques, du diabète, de l’oncologie, ou dans la production de vaccins, comme en témoigne l’incapacité du groupe à produire à temps un vaccin contre le Covid malgré un financement de l’Union européenne de 324 millions d’euros.
En 17 ans, les salariés ont subi six plans d’économies. Les restructurations successives ont entraîné la suppression de 8 400 postes et la fermeture ou la vente de plus de 25 sites de recherche.
Ce qui n’a pas empêché Sanofi de bénéficier de 1,4 milliard de Crédit d’impôt recherche entre 2008 et 2024, et d’environ un milliard d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Avec 500 millions d’aides diverses accordées par les Régions ou l’État, le soutien financier à Sanofi prélevé dans la poche du contribuable, qui doit cependant payer un reste à charge sur les médicaments, est estimé à 2,8 milliards d’euros minimum par la Fédération nationale des industries chimiques-CGT.
Le choix de l’entreprise pharmaceutique de désinvestir la recherche interne pour déléguer l’innovation entraîne sa chute du 3e rang mondial en 2008 au 8e rang en 2023. L’exemple de Sanofi illustre le dévoiement d’une entreprise dédiée à la santé. Il pourrait justifier une réflexion sur l’intérêt de créer un pôle public du médicament indépendant des trusts financiers.