Gérard Larcher, le président du Sénat, l’a mainte fois répété avant le discours de François Bayrou. Pour lui, il n’est pas question d’accepter une suspension de la réforme des retraites. Sa formation politique menaçait, le cas échéant, de quitter le gouvernement. Le titre barrant la une du Figaro, mardi matin, était particulièrement éloquent.
À gauche, hors LFI, les formations du NFP avaient conditionné un accord de non-censure en échange d’une suspension de la réforme de 2023. Le suspens sur la question des retraites a vite été levé. Le Premier ministre a annoncé une « remise en chantier avec les partenaires sociaux », sans « aucun tabou ». En clair, la réforme n’est ni suspendue, ni gelée. Elle sera rediscutée au sein d’une conférence sociale. Des modifications pourraient être apportées au texte, mais si aucun accord n’est trouvé, la réforme adoptée sous le gouvernement d’Élisabeth Borne s’appliquera. Les responsables sont tout trouvés : les « partenaires » sociaux, c’est-à-dire les représentants des travailleurs.
Parler d’un discours de politique générale « mi-figue, mi-raisin » est une plaisanterie. François Bayrou s’engage résolument vers un « extrême centrisme », un oxymore destiné à plaire à tout le monde, donc à décevoir tout le monde. Avec le risque d’ouvrir encore davantage la voie à l’extrême droite. La réaction prudente du RN en atteste. Le LR se montre tout aussi discret et attentiste. Le PS, qui craint une nouvelle crise avec une nouvelle censure, est désemparé.
Le reste du discours est à l’avenant. Alors que Mayotte et Los Angeles vivent un enfer, l’enjeu environnemental et le réchauffement climatique font l’objet de quelques lignes bâclées. Même Michel Barnier avait fait mieux. Les écologistes sont furieux et promettent la censure.
L’austérité à l’ordre du jour
Et puis, mais là encore il eut été surréaliste de s’attendre à autre chose, les très hauts revenus n’ont pas à craindre une hausse de leurs impôts. À l’ordre du jour du gouvernement Bayrou : de l’austérité. La priorité est à la réduction de la dette de la France. Le pouvoir d’achat, l’emploi, l’industrie, les services publics continueront à en faire les frais.
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Gouvernement : Une crise sans fin…Il est vrai que, le lendemain de sa déclaration de politique générale, François Bayrou est revenu sur ses propos concernant la suppression de 4 000 postes d’enseignants. Son « rectificatif » n’en demeure pas moins empreint de flou quand il dit que l’Éducation nationale a du mal à recruter.
Hasard du calendrier, le secrétaire national du Parti communiste français présentait les vœux du PCF la veille, le 13 janvier, place du Colonel Fabien. Contrairement au Premier ministre, Fabien Roussel a ouvert son intervention en adressant un message de solidarité aux habitants de Mayotte et en a de nouveau appelé à la solidarité internationale. Il a dénoncé la « grande marchandisation du monde » qui « balaie tout sur son passage ». Il s’est inquiété pour l’état de la démocratie dans le monde.
En 2024, a-t-il rappelé, « 75 élections nationales ont eu lieu. Plus de la moitié de la population mondiale était concernée. Un milliard d’adultes sont allés voter. » Pourtant, les « promoteurs de solutions autoritaires » ont le vent en poupe et « 71 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans une autocratie. (…) C’était 48 % il y a 10 ans. »
Fabien Roussel a encore affirmé que la France « doit retrouver sa force diplomatique, s’émanciper de la tutelle américaine et sortir de l’Otan. Elle doit retrouver son indépendance sur la scène internationale. » Le secrétaire national a bien sûr évoqué une « paix responsable avec la Russie » et le respect du droit international. Il a redit que la France doit « enfin […] reconnaître l’État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël sur les bases de la résolution de l’ONU ». Sans oublier d’évoquer la nécessité d’un cessez-le-feu et la libération des otages, « dont nos compatriotes, encore détenus après les attaques terroristes du 7 octobre », il a vigoureusement dénoncé le « génocide » subi par le peuple palestinien que la France abandonne.
Le coût du capital et le coût de la guerre
C’est par le biais de la situation internationale et de l’internationalisme que Fabien Roussel a abordé les dossiers nationaux. Sans la paix, comment reconstruire nos pays, interroge-t-il. « Au coût du capital, se sont ajoutés le coût de la guerre et le coût de l’énergie. L’automobile, la sidérurgie, la chimie sont des filières menacées. Ford, Volkswagen, en Allemagne, Auchan, Vencorex, Fonderie de Bretagne, Michelin, Saupiquet, GMD, Valeo en France… la liste est longue de ces plans qu’on dit ’’sociaux’’ mais qui plongent en réalité des milliers de familles dans la précarité. »
« Nous avons une responsabilité majeure, poursuit-il : défendre l’industrie, nos emplois, réorienter nos richesses pour les mettre au service du développement humain. Sinon, la crise sociale sera utilisée par les forces d’extrême droite ». Voilà bien la faille entre le « macronisme », le gouvernement et les travailleurs. « Il est possible, assure Fabien Roussel, de défendre en même temps l’emploi, le climat, de développer les services publics et d’engager la relocalisation de l’industrie européenne. Ce n’est pas avec le retour en force du pacte budgétaire et de la règle des 3 % que nous y arriverons. »
Réagissant à la déclaration de politique générale du gouvernement, ce mercredi matin, le PCF explique ainsi son opposition : « Le péril, ce n’est pas la dette, c’est la finance ! C’est le coût du capital. C’est une France placée sous la tutelle des marchés financiers qui exigent des milliards d’euros de charges d’intérêt. Alors que l’heure est à une grande ambition pour la paix, pour l’industrie française et le développement des services publics, au soutien à nos collectivités, le Premier ministre reste branché sur un discours d’austérité budgétaire. »