70.000 décès prématurés par an dus au tabac en France, 40.000 pour l’alcool, 27.000 pour l’obésité… La fiscalité peut-elle être un levier efficace et pertinent pour mener une politique de santé ? C’est le sens du travail des sénatrices : interroger tous les acteurs des filières concernées, chercheurs, associations de prévention, lobbies, instance de la Sécurité sociale, Ministères, etc. afin de constituer un rapport complet sur la question.
En effet, depuis des années, le législateur a pris l’habitude de créer ou d’augmenter les taxes sur certains produits pour en réduire l’usage, c’est ce que l’on appelle la « fiscalité comportementale ». L’idée de base a tout pour plaire : il s’agit de réduire les dépenses de santé par la réduction de l’exposition aux risques tout en finançant le système de santé qui traite de ces conséquences.
En termes de méthodologie, Cathy Apourceau-Poly précise : « nous nous sommes efforcées d’adopter autant que possible une approche évaluative. Cela était une nécessité pour pouvoir parler de manière non polémique d’un sujet déchaînant les passions. Il est toujours possible de « se faire plaisir », ou de « se faire peur » (selon le point de vue), en envisageant des mesures qui n’ont en fait aucune chance d’être mises en œuvre. »
Quelle efficacité des taxes pour orienter les consommations ?
Un premier rapport avait été remis par la Mission d’Évaluation et de Contrôle de la Sécurité sociale, dépendant de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, en 2014. Le présent rapport de contrôle, à visée évaluative, a donc pour objet de préciser et d’actualiser ces travaux, en s’appuyant sur une synthèse de l’état des connaissances dans le domaine.
Dans le détail, la réalité de l’efficacité des mesures fiscales est contrastée : sur un paquet de cigarettes à 12€50, 10€50 sont des taxes, sans que la consommation n’ait réellement baissé, malgré 14 milliards de recette fiscale. Sur les alcools, le constat est encore plus inquiétant : le coût social de l’alcool est deux fois supérieur à celui du tabac mais les produits de la fiscalité ne représentent que 4,5 milliards. Enfin, la taxe sur le sucre dans les boissons n’a pas significativement fait baisser leur consommation.
À l’inverse, le rapport a permis de mettre en avant les effets des autres mesures comme les lois Évin ou Veil, ou encore les campagnes de sensibilisation et de politique d’accompagnement à la santé qui ont, elles, eu un impact beaucoup plus important.
Effet prix ou effet signal ?
À travers 16 recommandations, les auteures du rapport ont mis en valeur l’importance d’accompagner les consommateurs vers des pratiques plus saines. En effet, toutes les strates de revenu de la population ne sont pas égales face à la pression fiscale : les foyers les plus modestes dépensent une part relative de leurs revenus plus importante que les ménages les plus aisées en taxes sur la consommation. Dit autrement : moins on gagne, plus ce revenu est consacré à de la consommation directe. La fiscalité comportementale a donc une incidence directe sur les foyers les plus modestes.
C’est l’enseignement principal de ce rapport : les taxes seules ne font que détourner les consommations ; des boissons sucrées de marque vers des boissons sucrées bas de gamme, idem pour les alcools, tandis que pour le tabac se développe le marché parallèle ou les cigarettes électroniques, pas innocentes pour autant.
La fiscalité comportementale n’est donc pas la solution magique à un problème complexe.
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