D’abord prévue jeudi soir au retour de Pologne d’Emmanuel Macron puis reportée à ce matin, l’annonce du choix pour un Premier ministre est tombée à 12 h 45. Après un entretien d’une durée anormalement longue dans le bureau présidentiel, il aura encore fallu attendre une heure trente pour que soit dévoilé le nom de François Bayrou, preuve sans doute que ce dernier a négocié sec, voire aurait menacé de se retirer, avec le Mouvement des Démocrates, du bloc central. Emmanuel Macron ne pouvait prendre ce risque.
Au final, le président de la République peut compter sur un homme de son camp et qui aurait à coup sûr peu apprécié de ne pas être payé de retour pour l’aide et le soutien qu’il lui a apporté dès 2017. En outre, l’allié centriste ne suscite pas d’hostilité particulière de la part du Rassemblement national, pas plus que celle du ministre de l’Intérieur pour l’instant démissionnaire, Bruno Retailleau.
Sa nomination hérissera le poil de Nicolas Sarkozy (qui n’oublie pas la trahison de 2012 quand Bayrou s’était positionné en faveur de François Hollande pour l’Élysée) et de l’écologiste Marine Tondelier. Côté PS, on aurait bien sûr préféré Bernard Cazeneuve (Olivier Faure ayant changé d’avis depuis la dissolution). Mais le risque d’une censure ne viendra pas de ce côté. On ne peut penser la même chose de la part de LFI. Son coordinateur Manuel Bompard n’a pas attendu pour promettre que les députés insoumis y auront recours rapidement, c’est-à-dire dès le discours de politique générale du Premier ministre.
Pour autant, François Bayrou sera-t-il l’homme du consensus qui, en même temps, permettra de redonner de l’éclat à Emmanuel Macron et de l’assurer d’aller au bout de son mandat ? C’est possible. Mais il est attendu au tournant.
Le secrétaire du Parti communiste français, Fabien Roussel, estime que la nomination d’un allié de Macron « n’est pas un bon signal ». « Mais, dit-il, avant de parler censure, nous jugerons sur pièce ». Les communistes exigent que le nouveau chef du gouvernement ne recourt pas à l’utilisation du 49.3 et qu’il prouve sa volonté de construire. « Nous ne ferons pas la politique de la chaise vide, dit-il. Pour notre part, nous veillerons à continuer notre combat pour l’industrie, pour les services publics, pour les collectivités locales, pour les associations qui subissent [elles aussi] des coupes budgétaires… ».
Jeudi soir, le sénateur communiste Ian Brossat évoquait la question des salaires et du pouvoir d’achat, celle des retraites, de l’ISF et rappelait les 300 plans sociaux annoncés en France. C’est certain, François Bayrou sait qu’il va trouver sur son bureau de nombreux dossiers difficiles : les plans sociaux, l’agriculture, l’accord Mercosur, l’Éducation nationale (dont il a été ministre de 1993 à 1997 sous les gouvernements Balladur et Juppé 1 et 2), etc.
Et puis, il y a le budget. Lorsque Fabien Roussel l’avait rencontré, en début de semaine, celui qui était l’un des favoris pour Matignon avait plutôt acquiescé à l’idée d’oublier le 49.3. Mais dans le cas précis de l’examen et du vote du budget, remis sur le métier, en aura-t-il la capacité ? En attendant, on attend la formation de son gouvernement.