Sur quoi repose cette stratégie de captage ?
Durant près de 2000 ans, les capacités naturelles en matière de séquestration des gaz à effet de serre (GES) furent suffisantes, grâce aux océans et aux forêts. Depuis le XXème siècle, ces mêmes capacités naturelles se trouvent dépassées par les émissions de GES générées par les activités industrielles nouvelles. C’est le constat de base.
Au fil des COP [1], le GIEC [2] a préconisé le recours à la captation-séquestration du CO2 et des autres GES pour atteindre les objectifs en matière climatique. Le développement des technologies de captage est donc essentiel si la France souhaite garder son industrie, en implanter de nouvelles, répondre aux besoins stratégiques de la nation, mais aussi atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cette ambition exige à la fois un effort de planification et un investissement massif dans l’amélioration de la captation-séquestration du CO2 à court terme. Ce qui, en toute vraisemblance, demeure compliqué à conjuguer avec les intérêts financiers.
Concrètement, il s’agit pour la France de faire en dix ans deux fois plus que ce qui a été réalisé en trente ; soit de diviser par six les émissions de GES par rapport à 1990. Il va sans dire que cela demande un déploiement majeur d’infrastructures permettant de transporter le CO2 et de le stocker, le tout en lien avec les industriels.
De belles perspectives confrontées au mur de la concurrence
Certains secteurs sont priorisés, tels que la chimie, l’acier ou encore la chaux. Certaines zones géographiques aussi, puisque dès 2026, les ports du Dunkerque, du Havre et de Fos-sur-Mer seront appuyés par la stratégie nationale de CCS.
Ces procédés sont inséparables du développement industriel du pays. Le 9 mai dernier, par exemple, le groupe français Air Liquide annonçait s’allier au belge Lhoist, qui détient la plus grande usine de chaux en France (dans le Pas-de-Calais), pour réduire de 95 % ses émissions à l’horizon 2028. Cela permet d’envisager la viabilité du site, mais aussi celle du secteur sidérurgique qui utilise cette chaux dans son processus, notamment pour purifier le minerai de fer.
Ce projet Air Liquide / Lhoist se recoupe avec le projet européen d’Artagnan, qui vise la captation du CO2 puis son transport par canalisation en mer du Nord, à partir d’une plateforme multimodale de Dunkerque ; ville où se situe l’un des principaux sites d’ArcelorMittal. C’est une première en France pour ce qui est de la production de chaux, qui laisse entrevoir de belles perspectives, tant en matière d’emploi, de formation, que de possibilités industrielles.
Toutefois, ce projet semble se heurter aux intérêts particuliers et profitables, puisque quelques semaines plus tard, ArcelorMittal annonçait s’allier à l’un des principaux concurrents de Lhoist, SigmaRoc, pour bâtir une usine de chaux à Dunkerque. Un coup dur pour le groupe belge qui fournit 45 % de sa production au site sidérurgique dunkerquois.