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Amar Bellal sur la COP29

« L’écologie punitive est celle de l’inaction climatique »

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Mise à jour le 10 janvier 2025
Temps de lecture : 8 minutes

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PCF Environnement

La Conférence des Parties (COP29) était organisée, sous l’égide de l’ONU, à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre. Le bilan de ses travaux, plus que mitigé, laisse les pays du Sud mécontents et frustrés. Les explications d’Amar Bellal, ingénieur et professeur en génie civil et responsable de la commission écologie du PCF.

Quelles réflexions vous inspirent les travaux de la COP29 ?

Amar Bellal : Les pays riches étaient au pied du mur. Il fallait renouveler le montant de l’aide aux pays du Sud global. L’engagement qui avait été pris en 2009, lors de la COP15 de Copenhague, portait sur 100 milliards de dollars par an et devait faire l’objet d’une révision avant 2025 dans le cadre de l’Accord de Paris (COP21) de 2015.

À Bakou, il s’agissait donc de négocier le nouveau montant de la solidarité financière des pays du Nord vers les pays du Sud global. Cela a abouti sur un montant de 300 milliards de dollars alors que les pays du Sud réclamaient 1 300 milliards pour mener des politiques d’atténuation des émissions et d’adaptation au changement climatique. Il y a donc un problème de confiance. C’est le principal échec de cette COP. Le groupe Afrique estime que le quantum de 300 milliards équivaut pratiquement aux 100 milliards promis en 2009 si l’on tient compte de l’inflation.

Quelles sont les autres points noirs des travaux de Bakou ?

A.B : Les politiques d’adaptation au réchauffement climatique restent le parent pauvre des négociations. On en estime le coût à 500 milliards. Or, les 300 milliards décidés lors de la COP concernent à la fois l’atténuation et l’adaptation ! Il faut aussi noter que les pays les plus vulnérables ont claqué la porte lors des prolongations de la COP. Ils protestaient contre l’insuffisance de cet accord et aussi contre le versement des aides pour partie sous forme de prêts. Cette forme de financement ne sera en effet pas sans conséquence sur l’endettement de ces pays.

Autre point noir, l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis plane dans les négociations. Et puis il y a eu le retrait de l’Argentine, en plein sommet de la COP. L’Argentine rejoint le discours climato-sceptique de Trump.

Par habitant, la Chine n’est pas le plus gros pollueur

Il est aussi question d’élargir la liste des contributeurs qui date de 1992. Les pays occidentaux souhaitent par exemple que la Chine en fasse partie en raison de ses émissions de gaz à effet de serre.

A.B : La Chine reste certes un des plus gros pollueurs du monde, mais en volume. Si l’on rapporte au nombre de ses habitants, 1 milliard et 300 millions, la Chine produit environ 5 tonnes de CO2 par habitant, un peu comme la France. Le plus gros pollueur est plutôt l’Amérique du Nord qui produit entre 8 et 9 tonnes de CO2 par habitant. Et puis, il faut rappeler que 10 % des émissions chinoises sont exportées parce qu’elles portent sur des produits que nous consommons. Ensuite, la Chine joue un rôle dans la transition énergétique en ce sens qu’elle a développé du solaire et de l’éolien pas cher. Elle construit aussi des réacteurs nucléaires et électrifie de nombreux secteurs.

Pour autant, la Chine n’a-t-elle pas les capacités financières pour rejoindre les contributeurs ?

A.B : La Chine défend aussi ses intérêts et a besoin de se développer. Une bonne partie de la population vit encore dans la pauvreté. Il faut certes reconnaître qu’il y a un jeu chinois qui n’est pas clair. Qu’elle ne soit pas contributrice officielle commence à poser un problème parce que, c’est vrai, elle a une capacité financière sans commune mesure, donc elle doit jouer un rôle. Ceci dit, elle le fait déjà parce qu’elle finance beaucoup de projets en bilatéral, avec des pays d’Afrique notamment. Mais elle fait preuve d’une certaine opacité car elle ne met pas sur la table tous les financements auxquels elle participe. Si elle le faisait, cela montrerait qu’elle est déjà contributrice.

Les pays occidentaux en appellent aussi à d’autres pays, pour devenir contributeurs, comme Singapour, la Corée du Sud et plusieurs États du Golfe.

A.B : Oui, on peut inclure tous les pays du Moyen-Orient qui, comme ceux que vous citez, ne font pas partie de l’annexe 1 du « nouvel objectif collectif quantifié » (NCQG) sur la solidarité financière. Ce n’est pas normal. Ils devraient aussi contribuer.

D’ici février 2025, dans le cadre de l’Accord de Paris, les États doivent actualiser leurs contributions nationales déterminées (NDC). Qu’est-ce que cela veut dire ?

A.B : Chaque pays devra redire quels sont ses objectifs en matière de baisse de CO2 pour les prochaines années. Mais comme les financements ne sont pas là, on peut penser que beaucoup de pays du Sud global vont en rabattre sur leurs ambitions. On leur demande de baisser encore davantage leurs émissions de CO2 alors que les financements sont insuffisants et qu’ils doivent aussi assurer leur développement.

Que pensez-vous de la feuille de route de la France pour son plan d’adaptation dans le contexte de restriction budgétaire que l’on connaît ?

A.B : L’écologie fait partie des premiers postes victimes de l’austérité. On a taillé dans les budgets de la rénovation thermique et de la voiture électrique alors que ce sont deux points à privilégier. On a augmenté les parts sur l’électricité alors que justement, c’est l’électricité qui va nous permettre de décarboner. Ce n’est pas très incitatif et cela ne va pas dans le bon sens, même si la France commence à baisser ses émissions de CO2 au rythme qu’il faut. Mais comme la France a désindustrialisé, c’est plus facile. Encore une fois, le plus difficile arrive : favoriser les rénovations thermiques et aider les personnes qui n’en ont pas les moyens à acquérir un véhicule électrique.

Une dimension de la lutte des classes

La COP29 ne mentionne pas explicitement la sortie des énergies fossiles alors que, selon le GIEC, elles sont responsables de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Au vu du bilan de cette conférence, que faut-il penser du sort réservé à l’Accord de Paris ?

A.B : Cet Accord portait sur une limitation du réchauffement climatique entre 1,5 et 2 degrés. Aujourd’hui, de nombreux scientifiques estiment que l’on va dépasser 1,5°. L’accord peut donc être respecté pour la prévision à 2° maximum. Ceci dit, chaque dixième de degré compte. Il y a quinze ans, on était sur une trajectoire à 4°. Maintenant, si l’on regarde les promesses de chaque pays, on est plutôt sur une trajectoire à 3°, ce n’est donc pas suffisant pour respecter l’Accord de Paris. Mais la baisse de trajectoire, de 4° à 3° prouve l’utilité des COP.

L’opinion publique a son importance et la pression des peuples est réelle. Il faut comprendre que la lutte pour le climat est une dimension de la lutte des classes parce qu’il y aura une compétition sur les lieux de vie entre ceux qui auront les moyens et les autres. Je pense qu’il faut faire très attention quand on parle d’écologie punitive. Pour moi, la seule écologie punitive est celle de l’inaction climatique. Croire que l’on défend une classe populaire en rabaissant les objectifs climatiques est une erreur. C’est une faute quand on le fait de façon démagogique.

Propos recueillis par Philippe Allienne.
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