Un enjeu de souveraineté alimentaire
Ce groupe, finalement assez récent, dispose de deux entités industrielles uniques en leur genre. L’une, à Saint-Avold (Moselle), est la première usine européenne à produire de l’acide butyrique biosourcé. L’autre, à Amiens (Somme), est la dernière usine européenne à produire des acides tels que la lysine, par le biais de procédés de fermentation industrielle.
Si ces produits semblent éloignés du quotidien des Français, ils n’en demeurent pas moins essentiels pour la nutrition d’élevage (porcs et volaille, notamment) et donc, par ricochet, pour garantir notre souveraineté alimentaire.
Tous les éléments paraissaient réunis pour que ce soit une réussite nationale et industrielle. Et pourtant… L’année dernière, le groupe a enregistré une baisse de 50 % de son chiffre d’affaires sur neuf mois. Les alertes sonnaient dès 2022, au vu d’une baisse significative des commandes d’acides aminés, plombées par une épidémie de grippe aviaire et par une diminution de la demande porcine en Chine ; conséquence directe de l’après covid-19.
L’État pas à la hauteur ?
L’espoir était tout de même de mise. Les travailleurs, conscients de leurs savoir-faire uniques sur le vieux continent, étaient loin d’imaginer qu’ils se trouveraient dans pareille situation moins de deux ans plus tard. Pire, la chimie verte était, parait-il, dans les petits papiers de Bercy, dans le cadre de la « relance industrielle ». Pas à une contradiction près, l’État n’a pas répondu aux attentes du groupe qui, durant des mois, n’a pas tant demandé d’aide financière de sa part, mais bien des mesures publiques de fixation des prix du sucre.
Car c’est là que le bât blesse. Le procédé par fermentation utilisé à Amiens nécessite du sucre, en masse. Une matière première – qui permet, rappelons-le, de se substituer aux ingrédients pétrosourcés – dont les coûts ont explosé depuis 2020. Cela, couplé à la baisse des demandes, à l’augmentation des prix de l’énergie et à la concurrence chinoise, explique cette situation. D’aucuns souhaiteraient d’ailleurs voir cette concurrence chinoise comme le principal souci du groupe. Il est vrai qu’en la matière, l’Empire du milieu est singulièrement compétitif. Et pour cause, comme dans d’autres domaines sensibles (l’automobile notamment), leur État fait ce que se refuse à faire le nôtre.
Quoi qu’il en soit, les salariés et leurs syndicats, les élus et les dirigeants politiques le martèlent : « Il faut sauver METEX ». C’est sur ce mot d’ordre que le candidat communiste aux élections européennes, Léon Deffontaines, est intervenu à de nombreuses reprises.
La date limite de dépôt pour d’éventuelles offres de reprise a été repoussée du 6 mai au 27 mai 2024, faute de propositions. Le groupe Avril, présidé par Arnaud Rousseau (président de la FNSEA), a fait savoir son intérêt pour le site amiénois. Il conditionne toutefois cette offre à une évolution des législations publiques en matière de fixation des prix du sucre, et à un accompagnement (financier ?) de l’État, qui est déjà actionnaire à près de 30 % par le biais de la BPI.
En ce qui concerne le site mosellan, des sociétés belges et canadiennes ont d’ores et déjà fait des offres de reprise au Tribunal de commerce de Paris.
Au sortir de cet épisode, la crédibilité de l’État comme la souveraineté du pays en auront pris un coup. Mais ce sont les travailleurs qui auront vécu des mois d’incertitude, de chômage partiel et de stress.