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Industrie sidérurgique

Le long et opiniâtre combat de la CGT pour la sidérurgie

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Industrie Sidérurgie ArcelorMittal CGT Syndicalisme

Chez les salariés d’ArcelorMittal France, le moral n’est pas au top. Ils s’inquiètent de l’avenir de la sidérurgie et de la stratégie de Mittal. La fermeture des hauts fourneaux et de l’aciérie de Florange, en 2012, plane comme une menace sur les autres sites. Deux rapports parlementaires, en 2013, et en 2017, avaient tiré l’alarme. Pourtant, la fuite en avant continue. Suite de notre rencontre avec Philippe Verbeke.

L’actualité autour du secteur de la sidérurgie est lourde. Ce vendredi 13 septembre se déroule une journée nationale d’action, avec appel à la grève pour la défense de la sidérurgie. Plusieurs rassemblements auront lieu simultanément, à midi, devant les sites d’ArcelorMittal de Dunkerque (à Grande-Synthe), de Fos-sur-Mer et de Florange. Une autre action est prévue le 17 octobre dans le secteur de l’automobile, dont le destin, explique la CGT à l’initiative du mouvement, est intimement lié à celui de la sidérurgie.

Les sujets d’inquiétude sont nombreux : l’arrêt d’un haut fourneau à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), les soucis autour du haut fourneau n°4 de Dunkerque (Nord), les préoccupations liées à la fiabilité opérationnelle du train à chaud de Florange (Moselle) où le taux de marche a chuté de 30 à 40 % au début de l’été selon les opérateurs. Le taux de fiabilité serait quant à lui tombé à 66 %, l’un des plus faible au sein du groupe, commente la CGT du site. À cela s’ajoutent les démissions des salariés, les problèmes de sécurité, l’absence d’écoute et de dialogue. Sans oublier le dossier de la décarbonation, à Dunkerque, qui semble traîner malgré la promesse gouvernementale d’une subvention de 850 millions d’euros. Comment atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 si les investissements ne sont pas réalisés à temps ?

Constat d’urgence

« À quoi faut-il s’attendre à la rentrée ? » titre un communiqué de la CGT ArcelorMittal France daté du 12 août et dénonçant l’absence de vision claire sur l’avenir et l’emploi des salariés. « Depuis la privatisation de la sidérurgie en 1995, ce sont des multinationales et fonds financiers qui dirigent désormais notre activité », s’écrie la fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM). Celle-ci insiste sur le fait que « la recherche de profits immédiats a pris le pas sur les investissements impactant les politiques sociales, les conditions de travail, les capacités de production et l’emploi (…) Cette dégradation continue, chacune et chacun la ressent, dès lors qu’on a un peu d’ancienneté dans son entreprise. ArcelorMittal, Ascometal, Valdunes, Aperam, ThyssenKrupp, Saarstahl et autres groupes : même constat d’urgence ! Preuve en est les redressements judiciaires d’Ascometal et Valdunes ces derniers mois. »

Philippe Verbeke, membre du comité exécutif de la FTM et coordinateur national de la CGT au sein du groupe, confirme : « Voilà deux ou trois ans que nous adressons régulièrement des courriers au gouvernement sur la situation du groupe ArcelorMittal France. Nous n’avons pas été entendus exception faite d’un travail aux côtés du ministère de l’Industrie sur les redressements judiciaires ces derniers mois d’Ascometal et de Valdunes. Nous leur avons mis la pression sur l’aspect stratégique des aciers spéciaux. Mais s’agissant de la stratégie d’Arcelor, l’essentiel de la sidérurgie française, nos courriers demeurent sans réponse. Nous avons le sentiment que le gouvernement déroule le tapis rouge pour Mittal.  »

Un forum sur la transition industrielle

Lorsque le président Emmanuel Macron est venu à Dunkerque, en 2023, pour lancer la construction d’une « gigafactory » pour batteries électriques, Philippe Verbeke était présent et la CGT s’est exprimée. « Un gigafactory à Dunkerque, c’est de l’emploi et c’est très bien, si tant est que la filière se développe correctement et que la demande suive. Mais nous sommes une terre industrielle avec des activités lourdes. Il faut que la transition industrielle du Dunkerquois s’opère correctement et que la cohabitation puisse se faire entre nouvelles industries et industries traditionnelles. » Se sentant exclue des projets industriels, la CGT a obtenu de la Communauté urbaine de Dunkerque la tenue, à la fin de ce mois de septembre, d’un forum social sur cette question de transition industrielle. Elle compte pouvoir ainsi faire part de son expertise, de son analyse et de ses propositions.

En d’autres termes, alors que l’ombre de Florange plane dangereusement, il n’est pas question de laisser abandonner la sidérurgie. Philippe Verbeke le répète, « on peut imaginer le scénario dramatique que pourrait annoncer Mittal : Dunkerque revient trop cher, nous fermons la filière liquide et nous allons importer des brames du Brésil ou d’Inde. Or, un représentant du groupe ArcelorMittal France ne s’est pas gêné, récemment et via la presse, pour faire pression sur le gouvernement français et lui demander une aide financière et des garanties plus fortes, faute de quoi le risque de délocalisation est grand.  » C’est ce que la CGT veut absolument éviter et c’est la raison pour laquelle elle revendique « une nationalisation, si nécessaire, pour parer à de nouvelles fermetures de capacités de production, de sites ou de menaces fortes sur l’emploi. » Elle réclame aussi «  une prise de participation de l’État au capital des groupes, permettant d’intervenir dans la stratégie. »

Le cas des aciéries électriques

Outre la filière fonte, les aciéries électriques (Ascometal ou Aperam par exemple) ont également beaucoup souffert ces dernières années. « Comment, s’indigne Philippe Verbeke, peut-on laisser flinguer des aciéries électriques dans le pays depuis 15 ans ? C’est ce qui s’est produit avec la perte des aciéries d’Aperam à Isbergues, dans le Pas-de-Calais, ou d’Ascometal (Usine des Dunes) à Leffrinckoucke (près de Dunkerque), en 2007. Le site de l’Usine des Dunes était le plus performant d’Ascometal. »

La logique libérale et capitaliste n’est pas à un paradoxe près. « Aujourd’hui, souligne le syndicaliste, on nous dit qu’il faut décarboner et transformer les hauts fourneaux en aciéries électriques. Et en même temps, on détruit les aciéries électriques qui existent !  » Ascoval Saint-Saulve, près de Valenciennes, a bien failli faire les frais de cette politique. Avant son sauvetage in extremis en 2021 et sa reprise par l’Allemand Saarstahl, Philippe Verbeke avait vu arriver la ministre, alors chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher avec la clé pour fermer la porte. «  Nous sommes parvenus à faire valoir nos arguments et lorsque Bruno Le Maire est allé visiter l’aciérie, il a changé d’avis en constatant la qualité de l’outil. »

La lutte, décidément, paie.

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