À Denain, ce vendredi 22 novembre, les salariés ont accueilli la visite de Fabien Roussel derrière des braseros. Venu leur apporter son soutien, le secrétaire national du PCF ne comprend pas l’annonce de la direction d’ArcelorMittal qui envisage la fermeture des sites du Nord (ArcelorMittal Centre des services – AMCS) et de Reims, alors que le groupe engrange des bénéfices. Le premier emploie une trentaine de salariés auxquels il faut ajouter une dizaine de personnes pour le centre de gestion.
« On ne peut pas imaginer, dit Ludovic Bouvier, que seul un site soit concerné. » Ainsi, estime le secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie Nord (USTM), avec le site de Reims (113 emplois), « ce sont donc plus de 130 postes qui seront supprimés. C’est un coup de massue. »
Annonce brutale
La nouvelle est tombée brutalement mardi dernier. « Nous avons été avertis à 16 heures, rapporte Clément Thierry, technicien de maintenance et représentant CGT de AMCS. Nous nous y attendions d’autant moins que, ce jour-là (19 novembre) à Reims se tenait une réunion extraordinaire pour discuter du protocole emploi partiel longue durée ». Le site de Denain est en effet placé en activité partielle de longue durée et l’État prend en charge une partie des heures non travaillées.
Depuis septembre, les salariés subissent en moyenne deux jours de chômage par semaine, contre une journée auparavant. « Alors que l’entreprise reçoit des aides de l’État, elle envisage quand même la fermeture », peste Clément Thierry. Aussi, au lendemain de l’annonce patronale, les salariés de Denain se sont mis en grève. Le mouvement durera au moins jusqu’à ce mardi. Les centres de services (AMCS) sont huit en France qui emploient actuellement 480 salariés (710 il y a cinq ans) La fermeture de ceux de Denain et de Reims entrerait dans le cadre d’un projet de réorganisation et d’adaptation des capacités de production.
Explications fallacieuses
« Ici à Denain, explique Clément Thierry, nous recevons les bobines d’acier en provenance de Fos-sur-Mer ou de Dunkerque. Nous traitons cet acier que nous revendons à Alstom Bombardier, à l’usine de Crespin (dans le Nord), ou en Tchéquie pour l’industrie ferroviaire » (fabrication des voitures pour le transport de voyageurs).
À Reims, la production est passée de 260 000 tonnes en 2021 à 140 000 tonnes en 2023. La direction invoque un « contexte économique difficile » et explique ses difficultés par une baisse d’activité dans les secteurs de l’automobile et la concurrence chinoise. Le chiffre des exportations de la Chine ne vont pourtant pas en ce sens.
« Il faudrait plutôt analyser la situation par la diminution des profits et la fuite en avant que cela génère, contre-argumente Ludovic Bouvier. « Arcelor est dans une logique de concurrence des profits. » Pour lui, « il faut s’attendre à d’autres mauvais coup. Les nouvelles ne sont pas bonnes à Dunkerque, par exemple. Mais en Belgique, on vient d’annoncer qu’ArcelorMittal souhaite se dégager de ses actifs en Europe. »
Décarbonatation retardée à Dunkerque
Le syndicaliste, qui répondait à nos questions jeudi dernier, n’a pas tardé à voir ses craintes confirmées. Deux jours plus tard, ce samedi 23 novembre, le ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, faisait savoir qu’ArcelorMittal a décidé de retarder son projet d’acier décarboné à Dunkerque (3 200 salariés). Ce projet a été chiffré à 1,8 milliard d’euros, dont une aide conséquente de l’État de 850 millions d’euros. Il porte sur la construction de deux fours électriques et une unité de réduction directe du fer afin de produire de l’acier décarboné.
En août dernier, le secrétaire CGT d’ArcelorMittal Dunkerque, Gaëtan Lecocq, faisait déjà part de son inquiétude quant à la réalisation de ce projet dans les délais. Il l’avait répété lors de l’appel à la mobilisation des sites de Dunkerque, Fos-sur-Mer, Florange et Reims, le 13 septembre. Le syndicaliste parle aujourd’hui d’un « scénario noir ». Au-delà de la décision du groupe, c’est l’avenir des sites du Dunkerquois qui est en jeu.
Dans une motion de soutien de la fédération Nord du PCF, cette dernière affirme que « la multinationale laisse ainsi dépérir ses sites français et établit sa production dans un pays où, par exemple, la main-d’œuvre est moins chère, après avoir pourtant bénéficié de fonds publics français au titre du Crédit Impôt Recherche, des exonérations de cotisations sociales en vertu de la transformation du CICE, du fonds au titre du chômage partiel, etc. » Elle estime « à près de 200 milliards d’euros par an l’aide publique aux entreprises en France » et « exige la renationalisation des entreprises sidérurgiques. »
ArcelorMittal emploie 15 000 salariés sur une quarantaine de sites en France. Le dossier — noir lui aussi — de la sidérurgie ne fait que s’ouvrir.