Les faits sont pourtant têtus. En 2024, il y a eu plus de fermetures d’usines que d’ouvertures en France. L’ensemble des études, qu’elles soient menées par la CGT ou par des journaux tels que l’Usine nouvelle, montrent l’ampleur des dégâts. Entre les défaillances d’entreprises, les plans de réductions d’effectifs et les fermetures « sèches », près de 26 300 emplois étaient menacés en 2024 (+56 % par rapport à 2023).
Les usines tournent au ralenti
Il est vrai que, jusqu’ici et depuis 2017, il y avait davantage d’ouvertures d’usines que de fermetures. Mais la Banque de France montre un envers du décor plus morose. Les usines tournent au ralenti. En moyenne, elles n’étaient utilisées qu’à 73,9 % de leurs capacités en décembre 2024. « Un chiffre au plus bas depuis 2010 (hors période covid, évidemment) », note Emmanuel Duteil dans un récent billet économique.
Deux facteurs expliquent largement cette situation. D’abord, une baisse évidente de la demande dans certains secteurs, notamment l’automobile qui, mécaniquement, entraîne d’autres filières. D’après les premiers chiffres compilés, la production automobile française a chuté de près de 10 % en 2024, avec de fortes disparités en fonction des sites et des modèles. Au total, ce serait près de 150 000 unités en moins qui ont été fabriquées. Le pouvoir d’achat en berne des Français n’aidant pas, par ailleurs, à l’achat de voitures neuves dont les prix n’en finissent pas d’augmenter.
La situation internationale ne joue pas non plus en la faveur de l’industrie française. Plus de 70 % des exportations du pays sont générées par l’industrie et, en particulier, par l’aéronautique, le pharmaceutique ou encore le luxe. Mais le premier client de la France, l’Allemagne, est dans une situation bien difficile après avoir enchaîné deux années de récession. La crise outre-Rhin – et, plus globalement, européenne – a des conséquences non négligeables sur l’utilisation des usines en France.
Un sous-investissement chronique
La baisse de la demande dans certains secteurs n’explique pas pour autant ce fonctionnement à « bas régime » des usines françaises. Pour ce qui est de l’acier, par exemple, l’ensemble des scénarios plaident pour une forte hausse de la demande durant les prochaines années.
Sur le papier, les sites sidérurgiques devraient tourner à plein régime. Mais les sous-investissements chroniques font obstacle à ce développement. Dans de nombreuses usines – pour ne pas dire dans la majorité – les laminoirs sont bridés, les outils vieillissent et, parfois, les « cerveaux » s’en vont. ArcelorMittal Dunkerque en est l’un des tristes symboles, à l’image de ce qu’évoquait dans les colonnes de Liberté Actus Gaëtan Lecoq, dirigeant de la CGT : « À l’aciérie, on regarde d’abord la météo avant de la faire tourner. L’aciérie, c’est là que l’on reçoit la fonte et que l’on fabrique l’acier. Le cœur de l’usine. Mais il y a des fuites. Et il y a une fusion. Avec de l’hydrogène. Si de l’eau pénètre dans le convertisseur, c’est la catastrophe assurée. Alors, on attend la météo. »