Le prince Antiochus de Commagène est le meilleur ami de Titus ; Antiochus aime Bérénice, qui ne l’aime pas en retour, mais aime Titus, devenu empereur de Rome à la mort de son père Vespasien. Titus aime Bérénice, mais son devoir d’empereur et l’hostilité des Romains au mariage du prince avec une reine étrangère l’oblige à renvoyer la reine de Judée ; Titus demande à Antiochus de le lui annoncer à sa place…
Très librement inspirée des récits des historiens romains Tacite, Suétone et Dion Cassius, l’histoire d’amour tragique de Titus et Bérénice a inspiré à Racine sa pièce Bérénice, représentée pour la première fois en 1670.
Une mise en scène toute en sobriété
Mettre en scène un classique, qui plus est une tragédie en alexandrins, est toujours un défi. Comment moderniser une pièce aussi célèbre que Bérénice sans trahir le texte et sa densité ?
C’est le challenge qu’a tenté de relever Jean-René Lemoine, acteur et metteur en scène né à Haïti, lauréat en 2013 du prix Augier pour sa mise en scène d’Iphigénie, qui était sur la scène de la Comédie de Béthune ce mardi 4 février – dans le rôle secondaire de Rutile – aux côtés des autres comédiens et comédiennes, Marine Gramond qui incarne une Bérénice jeune et intense, Jean-Christophe Folly dans le rôle de Titus, Alexandre Gonin dans celui d’Antiochus, ainsi que Nicole Dogué, Jan Hammenecker et Marc Barbé qui jouent respectivement Phénice, Paulin et Arsace, les confidents des héros.
Produite à la Maison de la Culture d’Amiens où la première a eu lieu le 14 janvier 2025, la pièce était au programme de l’hippodrome de Douai et du Phénix de Valenciennes en janvier avant d’arriver à la Comédie de Béthune.
Dans la mise en scène de Jean-René Lemoine, pas de colonnes romaines, mais un simple sol carrelé recouvert d’une fine poussière d’or ; Titus ne porte pas de toge, mais un pantalon et un haut de couleur marron qui laisse deviner son torse ; Antiochus est vêtu de bleu, pantalon bouffant et haut transparent ; Paulin et Arsace, les confidents de Titus et d’Antiochus portent un costume-cravate, incarnation de la raison face à la passion amoureuse qui déchire les monarques.
Dans sa note d’intention, Jean-René Lemoine note que « Dans cet excès d’amour, il y a la cruauté, la fureur de l’adolescence. […] La beauté de la langue transfigure le désastre. La pièce résume en un cri libérateur tous nos chagrins inconsolés, les embaume dans un curare apaisant ».
Des moments fugaces et trop rares
Malgré le talent des comédiens et des comédiennes, la déception était au rendez-vous, la faute à une mise en scène excessivement figée. Les personnages disent leurs répliques à distance les uns des autres, mais leur éloignement dans l’espace vide de la scène, le peu d’interactions qu’ils ont les uns avec les autres, leur posture trop souvent statique empêchent le spectateur de croire à cette histoire de passion tragique qui se déroule sous nos yeux.
À plusieurs reprises, les personnages parviennent quand même à nous toucher : lorsque Titus prend Antiochus dans ses bras pour embrasser son meilleur ami dans un geste empreint d’ambiguïté, ou lors de la confrontation de Titus et Bérénice, à la cinquième scène de l’acte IV. Ces moments fugaces sont malheureusement trop rares pour emporter tout à fait le spectateur.
On retrouvera Bérénice sur la scène du Théâtre National de Bretagne de Rennes du 4 au 8 mars, puis au Quai, le Centre dramatique national d’Angers du 2 au 3 avril, au Dôme Théâtre d’Albertville le 15 avril et au Théâtre du Nord de Lille du 22 au 25 avril.