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Art et actualité

La tentation de l’Apocalypse

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par Sethi
Mise à jour le 7 août 2024
Temps de lecture : 4 minutes

Mots -clé

Art Religion

Synonyme d’anéantissement, de fin du monde, le terme apocalypse désigne initialement la « révélation », le dévoilement de la vérité, c’est d’ailleurs dans ce sens que Jean, apôtre de Jésus, écrit son œuvre qui conclut le Nouveau Testament.

Lorsque l’on admire la tapisserie de l’Apocalypse, exposée au Château d’Angers, on est frappé par la majesté de l’œuvre (initialement de 6 mètres de haut sur 140 mètres de long), sa beauté et sa charge symbolique. La tapisserie, commandée en 1373 par le duc Louis Iᵉʳ d’Anjou, met en scène l’Apocalypse de Jean, rédigée 1300 ans plus tôt. Il la commande pour se mettre en valeur face à l’envahisseur anglais Edouard III. On connaît les quatre cavaliers, les sept trompettes et les sept sceaux et la victoire finale de Dieu sur les forces du mal, mais quel est vraiment le sens de cette œuvre ?

L’Apocalypse s’ouvre par l’annonce du Jugement Dernier : Dieu a décidé de mettre à l’épreuve, de juger le monde. De grands malheurs s’abattent sur lui pour le tester : la faim, la guerre, la maladie, les tremblements de terre, le soleil devenant noir, la lune rouge, les étoiles tombantes… L’union des justes parvient à triompher de ces maux, et à faire tomber Babylone (comprendre Rome à l’époque) qui est le symbole de la corruption et de la dépravation.

L’Apocalypse comme libération

Le texte est écrit à une époque de persécutions pour les chrétiens et peut être lu comme la promesse d’un paradis après une série d’épreuves qui abattront les impies et rétabliront la justice. Cette thématique apocalyptique est donc directement liée à l’espoir de jours meilleurs au-delà des épreuves. C’est le principe du Grand-Soir après l’exploitation capitaliste, mais transposé à un monde individualiste, c’est le principe qui guide les mouvances survivalistes : le monde actuel est corrompu, ne tourne plus rond, il va se passer quelque chose et moi et mes proches seront sauvés des autres.

Si le mouvement apocalyptique est lancé par le christianisme, c’est en grande partie parce que cette religion induit une nouvelle relation au temps. On passe alors d’une vision circulaire à une vision linéaire : du rythme des saisons et des générations, immuable, le christianisme introduit l’idée qu’il y aurait un début, la création, un milieu, le sacrifice du Christ pour sauver l’humanité et une fin, le Jugement Dernier. Nous en sommes les héritiers directs, notamment à travers la notion de progrès, mais également, de façon plus pessimiste, à travers celle du dérèglement climatique et d’un futur promis aux catastrophes, pénitence pour nos excès.

L’Apocalypse politique

Le sentiment de déclin, d’injustice, de déclassement, de chute du monde occidental ne font que répondre à cette lecture. Et la fiction reflète cet appel : jeux vidéo, séries, films post-apocalyptiques, sans parler de l’épidémie de Covid. Dans un monde de plus en plus illisible, et suite à l’abandon des utopies collectives, l’anxiété face à l’avenir touche de plus en plus de nos contemporains. Les médias qui tournent en boucle sur les faits divers ne font que renforcer ce sentiment. La quête d’absolu, et la polarisation des positions, en portent alors les fruits : regain du fait religieux, regain de l’extrémisme politique.

Le Rassemblement national a su capitaliser sur ce sentiment. Le parti à la flamme ne promet pas autre chose qu’une justice définitive et transcendante. En érigeant l’étranger comme figure de la corruption de la société, ils promettent à ceux qui se sentent déclassés, non pas le progrès pour eux, mais la purge pour les autres. On se retrouve dans une société prise de vertige : l’abîme nous appelle collectivement lorsque nous sommes incapables de penser une voix vers le progrès.

Pour en savoir plus sur La tapisserie de l’Apocalypse, c’est par ici Domaine national du château d’Angers
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