L’IPN, créé en 1998, « enquête et poursuit les crimes nazis et communistes commis entre 1917 et 1990, documente ses conclusions et les diffuse au public. » Sa politisation s’est renforcée, en particulier sous les gouvernements Droit et justice (extrême droite), notamment depuis le vote d’un amendement sur la « protection de la réputation de la République de Pologne et de la nation polonaise ». Cette loi vise à poursuivre, même à l’étranger, toute personne qui accuserait « la nation ou l’État polonais de participation aux crimes de l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ».
On pouvait donc s’attendre à une exposition politiquement orientée, mais qui rendrait quand même hommage « au destin tragique et héroïque des Polonais pendant la Seconde Guerre mondiale », pour reprendre l’intitulé de l’exposition.
D’autant que l’ICEP-Lens participe à la faculté Jean Perrin - Université d’Artois, ce qui oblige à un travail scientifique rigoureux. Il n’en est rien et l’exposition, validée par l’ICEP, est une insulte à la résistance polonaise, en France comme en Pologne.
Des dizaines de milliers de résistants polonais effacés de l’Histoire
On la devinait partiale parce que l’IPN ignore quasiment tous les mouvements de résistance qui ne dépendaient pas du gouvernement, issu du régime des colonels, en exil. Mais pire, elle gomme des pans entiers de l’Histoire et des résistances polonaises. Les mouvements de résistance en Pologne qui ne dépendaient pas du gouvernement en exil, tels les Polonais ayant combattu les nazis au sein de l’Armée Rouge sont réduits au rang de supplétifs aux ordres « d’une puissance étrangère ». Ainsi sont traitées les troupes polonaises qui, les premières, entrèrent dans Berlin ; elles ne valent pas une ligne puisqu’elles ne dépendaient pas du gouvernement enfui à Londres…
En France, la résistance polonaise est réduite aux héroïques combats menés par les troupes du général Sikorski puis, pour la guerre clandestine, à la seule existence de la Polska Organizacja Wojskowa (POW) dépendant du gouvernement en exil. Tout juste deux lignes évoquent-elles la participation des Polonais à des mouvements français de résistance.
Silence honteux sur la résistance polonaise en France
L’exposition tenue à Souchez, au bord du Bassin Minier, fait silence sur la participation active des Polonais à la grande grève patriotique des mineurs de 1941 ; rien sur les 50 mineurs syndicalistes polonais déportés suite à la grève et assassinés dans les camps ; rien sur les Polonais extrêmement actifs dans les FTP-MOI ; rien sur les Polonais FTP-MOI fusillés dans les fossés de la Citadelle d’Arras ; rien sur les actions communes des résistants polonais et soviétiques dans le Bassin minier ; rien sur les six régiments de la Milice Patriotique Polonaise de 9 000 hommes créée en 1944 dans le Bassin minier…
Pour l’IPN, dont la dérive droitière s’est accrue depuis les gouvernements d’extrême droite Droit et justice, tout ce qui est à sa gauche -ce qui est aisé- est communiste, donc à nier... à défaut de pouvoir faire pire.
Même la participation en France des Polonais au Special Operations Executive (SOE) du trop gauchiste Winston Churchill, est ignorée.
Oubliés les 6 millions de Polonais assassinés par les nazis
Hors l’illustration de la participation polonaise aux combats aux côtés des armées alliées, l’exposition est une injure à la résistance polonaise. Et au peuple polonais dans son ensemble. Car, obnubilée par son combat contre le communisme, l’exposition n’a pas un mot, pas une ligne pour les 6 millions de Polonais assassinés en Pologne par les nazis, dont 3 millions de Polonais juifs morts dans les camps ; pas un mot sur les révoltes organisées dans les camps de la mort par la résistance juive.
Le visiteur ignorera tout des villes polonaises rasées ; tout du projet nazi d’exterminer ou de réduire en esclavage la « race slave » composée d’untermenschen, littéralement « sous-hommes » ; donc tous les « sous-hommes » polonais !
Juifs et communistes supprimés... les vieux réflexes reviennent !
Personne ne demandait à ce que l’IPN aille jusqu’à rappeler qu’avant que la Pologne soit envahie par l’État nazi, le gouvernement polonais était son allié ; ni qu’il a participé avec les troupes nazies et celles de la Hongrie d’extrême droite à l’invasion de la Tchécoslovaquie ; ni qu’il a refusé le passage de l’Armée Rouge qui proposait d’aller combattre les hordes hitlériennes ; ni qu’il occupait l’Ukraine occidentale et la Biélorussie.
Faut-il que la droite et l’extrême droite polonaise d’aujourd’hui, de Pologne et de France, aient mauvaise conscience pour gommer ainsi l’Histoire et l’ensemble des Polonais qui furent victimes ou combattirent le nazisme.
La démarche est d’autant plus honteuse qu’elle est validée par le président de l’ICEP, journaliste retraité de La Voix du Nord à Lens qui a connu personnellement nombre de ces résistants -comme Emile Wazny, responsable des mineurs CGT [1]- dont il nie aujourd’hui l’existence.
Cracher ainsi sur la mémoire de ces Polonais à qui nous devons notre libération... personne n’aurait imaginé que ce serait le fait de descendants de Polonais…
Gommés les résistants juifs, gommés les résistants communistes, gommés les résistants qui ne furent pas d’extrême droite ou de droite…
D’autres s’y sont essayés en d’autres temps. Et le 8 mai 1945, ils ont perdu !