La salle était bien pleine, de cinéphiles plutôt âgés profitant de ce film qui ne sera distribué certainement par aucun circuit commercial.
Que savez-vous des FARC ?
Dès le début du débat, P. Carles a proposé comme réponse, pour les plus de 40 ans : « L’enlèvement d’Íngrid Betancourt » enlevée par les FARCS avant d’être libérée contre rançon au bout d’une très longue détention. Pour les 30-40 ans « Des producteurs de COCA poursuivis par les bombardiers et les rangers US ». La puissance de la propagande étasunienne est d’une redoutable efficacité.
En fait, l’odyssée des FARC est la plus longue résistance armée d’Amérique menée par des paysans révolutionnaires, comprenant les communistes ; voulant d’abord et avant tout obtenir la réforme agraire. La distribution des terres des latifundistes, la paix dans la justice. Leur guérilla avait besoin de conquérir le pouvoir d’État pour aboutir, et donc d’appuis puissants dans les villes. Depuis le début des années 1970, soit plus de cinquante ans dans la jungle, ils ont mené l’action militaire, les luttes politiques, les luttes revendicatives sans jamais se rendre. Leur plus vieux leadeur : Tirojfijo, « Celui qui tire juste au fusil » est mort de vieillesse dans la jungle sans avoir jamais été pris par les forces militaires et paramilitaires des latifundios, adeptes de l’assassinat ciblé. Il faudrait un biopic sur cette vie.
Alors, pourquoi cesser la lutte armée en ce début de la deuxième décennie du XXIe siècle ?
Simplement parce que 70 % des Colombiens vivent en ville, alors qu’il y a 50 ans, c’était le contraire, 70 % à la campagne et 30 % en ville. Et ce retour à la vie civile, à la paix n’a été facile pour personne. C’est avec l’aide des Cubains que les négociations ont aboutis. Nos adversaires ont continué pendant quatre ans les assassinats ciblés. Ils ont multiplié les entraves au retour à un travail civil rémunérateur. Mais depuis deux ans, pour la première fois dans ce pays, un président de la République issue de la gauche a été élu. Il n’y a plus de prisonniers politiques. Tous les militants des FARC ont été libérés. Une ministre de sensibilité communiste a instauré pour la première fois une retraite (trop modeste !) pour les vieux travailleurs. À ce jour, la guérilla, y compris dans le dépôt des armes, a gagné. Oui, l’avenir a une histoire ! Et il nous faut la faire connaître.
Cette histoire est riche, complexe, comme celle de chaque peuple, le film en donne de multiples éléments dont je ne peux rendre compte en quelques lignes. Ma plus grande surprise a été la participation très attentive de la salle à tous les échanges. Ils portaient, et de loin, plus sur la situation, le passé, le présent colombien et mondial que sur le cinéma.